Vous rêvez de vacances. Cette semaine, on vous embarque en Italie. Le cinéma italien, c’est un peu comme les pasta al dente : ça résiste sous la dent, ça a du caractère, et ça ne se plie pas aux modes facilement. On croit le connaître — Fellini, Sophia Loren, les Vespa, les westerns, les mafiosi — mais il revient toujours là où on ne l’attend pas.
De la gouaille romaine des comédies sociales à la beauté crue du réalisme, le ciné transalpin a cette capacité rare à être à la fois très ancré et totalement universel. Il ne cherche pas à plaire, mais à vivre.
Il peut être bruyant, bordélique, mélodramatique. Ou lent, contemplatif, presque mystique. À Naples, à Palerme, à Rome, dans un champ d’oliviers ou un appartement en désordre, caméra à l’épaule ou plan léché — il raconte des gens qui doutent, qui aiment, qui mangent, qui meurent, mais toujours avec style.
Rome à Paris, cinéma à ciel ouvert
Rossellini, Fellini, Cortellesi et toi, sur les gradins des Arènes de Lutèce à Paris 5eme.. Du 4 au 8 juillet, le festival Dolce Vita sur Seine organisé par l’association Palatine, s’invite dans la capitale entre avant-premières, pépites néoréalistes, projections gratuites sous les étoiles, expos et rencontres avec les réalisateurs. Le festival s’ouvrira le 4 juillet avec la projection de Rome, Ville ouverte de Roberto Rossellini, à l’occasion des 80 ans de ce chef-d’œuvre, en présence de la réalisatrice Valeria Golino.
Les Écoles Cinéma Club sera le rendez-vous des avant-premières: le 3 juillet, Amanda, fable humoristique sur le passage à l’âge adulte, de Carolina Cavalli, présenté par la cinéaste; le 5 juillet, L’Art de la joie, adaptation du roman culte de Goliarda Sapienza, dans lequel une femme incarcérée est portée par le rêve d’écrire, en présence de sa réalisatrice Valeria Golino et de Valeria Bruni Tedeschi. Le 6 juillet, Quasi a casa de Carolina Pavone, produit par Nanni Moretti, met en scène la rencontre entre une chanteuse pro (Lou Doillon) et une jeune femme timide. Le festival se clôturera le 7 juillet avec le très attendu Berlinguer, la grande ambition, en présence de l’acteur Elio Germano, qui incarne le dirigeant du Parti communiste italien Enrico Berlinguer.
En parallèle aux projections, les Arènes de Lutèce accueilleront aussi une exposition photographique, « Ti amo, Cinéma! », célébrant l’histoire d’amour cinématographique entre l’Italie et la France. Le 4 juillet, une table ronde intitulée « L’Art du faux parfait : habiller le cinéma« se tiendra à l’Institut Culturel Italien, avec un focus sur les maisons de couture italiennes et françaises qui ont habillé le cinéma.
A voir également, une sélection de chefs d’oeuvres du cinéma italien à redécouvrir sous les étoiles: La Famille d’Ettore Scola, Voyage en Italie de Rossellini, Les Vitelloni de Fellini, Médée de Pasolini et Le Fanfaron de Dino Risi. Le programme inclut également Il reste encore demain de et avec Paola Cortellesi, immense succès récent en Italie sur la condition des femmes.
Les voix d’Italie, vues par Paolo Modugno
3 questions à Paolo Modugno, qui ouvre une fenêtre sur l’Italie pour le public français.
Comment est née cette passion de faire vivre le cinéma italien en France ?
Professeur de civilisation italienne à Sciences Po, j’ai voulu démontrer à mes étudiants que le cinéma italien n’était pas mort et faire découvrir des talents émergents. C’est comme ça que j’ai créé Anteprima qui était au départ un ciné-club étudiant. Ma collaboration avec Italia cinéma, l’organisme chargé de faire la promotion du cinéma italien à l’étranger m’a permis de proposer des inédits en avant-première. Ainsi, chaque mois, généralement le samedi à 11h, nous nous retrouvons au cinéma du Panthéon (Paris) pour un cycle “L’Italie à travers son cinéma”. Faber in Sardegna de Gianfranco Cabiddu et Criature de Cécile Allegra font partie des films que nous avons projeté.
Que nous réservez-vous ?
Le 2 juillet, pour Avants premières !, je présenterai Le dernier pour la route (Le Città di Pianura) à 20h30, au cinéma L’Entrepôt (Paris). Ce drame raconte la rencontre inattendue entre deux cinquantenaires et un jeune étudiant qui va transformer la vie de ce dernier.
Puis à l’Entrepôt, avec l’Institut culturel italien, nous organisons en septembre un nouveau cycle, “La Solidarietà”, autour de cinq films italiens de patrimoine.
Pour être au courant des prochains événements, il faut s’inscrire à la liste de en m’écrivant (paolo.modugno@sciencespo.fr).
Le cinéma italien sort-il aussi des salles parisiennes ?
Je suis responsable pédagogique du campus de Sciences Po à Dijon où je programme le festival Cinevoce, un festival de cinéma italien avec l’association Ombradipeter.
Viva la mamma…
Ou comment une coiffeuse napolitaine décide de faire basculer sa vie.
Jasmine vit à Naples, dans un petit appart avec son mari et leurs trois garçons. La vie est modeste, bruyante, un peu chaotique — comme les enfants. Mais Jasmine a un rêve : avoir une fille. Et face à l’indifférence de son mari, elle se lance seule dans une démarche d’adoption.
Vittoria de Alessandro Cassigoli et Casey Kauffman, c’est le récit de ce combat intime, inspiré d’une histoire vraie, porté à l’écran par ses propres protagonistes. Pas de stars, pas de faux-semblants : juste une femme décidée à changer le destin de sa famille. Elle affronte les galères administratives, les remarques sexistes, les doutes de son entourage et continue d’avancer, coûte que coûte.
Tourné à hauteur de cœur, avec une justesse folle, Vittoria est une déclaration d’amour à toutes les mères — biologiques ou pas. Un film doux, brut, bouleversant.
Avant-première le 2 juillet au Christine Cinéma Club (Paris). Sortie nationale le 23 juillet.
Au coeur de la police italienne
Dans une Italie fracturée par les tensions sociales, Désordre Public nous plonge au cœur du quotidien complexe des CRS de Rome. Disponible sur Netflix depuis janvier, cette série coup de poing, adaptée du film de Stefano Sollima, All Cops Are Bastards, offre un regard percutant sur l’Italie. Dès les premières scènes, la caméra colle aux boucliers des celerini, capturant avec brio la violence des manifestations et leur répression.
La série se distingue par sa capacité à dénoncer sans être à charge. Elle pointe les failles d’un système, sans chercher à l’excuser ou à le condamner. En mettant en scène la violence policière, Désordre Public ouvre un espace de réflexion afin que chacun puisse se forger un avis.
Marcello en voyage
De Giuseppe Tornatore, vous connaissez tous Cinema Paradiso. La Sicile, l’amour du cinéma, les larmes dans les yeux ? Ils vont tous bien! est le film réalisé juste après en 1990. Passé assez inaperçu à sa sortie, le film bénéficie aujourd’hui d’une restauration en 4K. L’occasion de découvrir ce petit chef d’oeuvre qui fait le bilan d’une Italie en quête de modernité et en rupture avec les traditions. Accompagné d’une sublime partition d’Ennio Morricone.
Marcello Mastroianni y incarne Matteo, retraité sicilien à la moustache bancale et au cœur trop plein. N’arrivant plus à voir ses enfants, dispersés aux quatre coins d’une Italie qu’il ne comprend plus, il décide de partir à leur rencontre. Sauf que chacun – par amour ou par honte – lui ment un peu. À Naples, Rome, Milan ou Turin, il découvre des fragments de vies dissonants, comme si le pays tout entier portait un masque.
Ils vont tous bien! dresse un portrait doux-amer d’un homme en décalage, et d’une Italie désenchantée. C’est une fable sur la famille, les illusions, les attentes qu’on projette sur les autres — et les rêves qu’on tait. Et si le film ne touche pas toujours juste, il bouleverse par moments avec une grâce inattendue. Mention spéciale à la scène finale, sublime et poignante.
La version restaurée lui redonne toute sa splendeur visuelle — l’Italie, encore plus belle sous les cicatrices. Des images marquantes: les pigeons dans la fontaine de Trevi, les gares, la mosquée en construction et Mastroianni, l’émotion à fleur des yeux, qui revisite sa splendide carrière. À découvrir en salles dès maintenant. Au Paris à Brioude le mardi 1er juillet, au cinéma Le Studio au Havre, aux Variétés à Marseille dans le cadre d’un très beau cycle sur le cinéma italien (du 2 juillet au 19 août) qui met aussi à l’honneur Mario Bava et Monica Vitti, au Select à Antony les 17 et 18 juillet, au cinéma Les cinéastes au Mans le 21 juillet, au cinéma Cabieu à Ouistreham.
Maestro décalé
Quentin Tarantino est son plus grand fan. Stanley Kubrick et Sergio Leone l’ont consulté. Maestro de la série B, spécialiste des maquettes, artisan des effets spéciaux, le cinéaste italien Antonio Margheriti fait l’objet d’un hommage à la Cinémathèque du 2 au 19 juillet. De la science-fiction cheap mais inventive, aux sanglantes gothiques (Danse macabre fait l’ouverture de la rétrospective le 2 juillet en version restaurée), en passant par le western spaghetti mélangé au kung-fu, Margheriti (aka Anthony Dawson) a tout exploré en fast track. Laissez vous embarquer dans sa folie.
Quentin Dupieux + Adèle Exarchopoulos en roue (très) libre
Tu l’as peut-être déjà vue passer avec son appareil dentaire flippant et sa perruque Playmobil : Adèle Exarchopoulos est méconnaissable en Magaloche, influenceuse au sang-froid glaçant dans le nouveau Quentin Dupieux.
Face à elle, Jérôme Commandeur incarne l’agent impuissant, paumé mais attachant, coincé entre contrat et cauchemar. Et Sandrine Kiberlain, la journaliste incisive et indiscrète.
Comme d’habitude, Dupieux enchaîne les scènes absurdes, les punchlines malaisantes, et pousse les curseurs du WTF jusqu’au malaise. Mais cette fois, il frappe un peu plus fort : L’Accident de piano, c’est une satire mordante du star-system 2.0, où les vues YouTube se payent cash.
À voir si tu veux rire (jaune) de notre époque — et si tu veux comprendre jusqu’où peut aller la course au buzz. En salles le 2 juillet.