Totally Wes

C’est une première. Depuis qu’Intervistar existe, on n’avait encore jamais consacré une édition entière à un seul cinéaste. Pourquoi Wes Anderson ?

Parce qu’il est partout, tout le temps – et pourtant, il reste insaisissable.
Parce que son style est devenu un mème, une esthétique TikTok, une langue à part entière – mais que derrière les symétries parfaites et les pastels nostalgiques, il y a des failles, des deuils, des absents.
Parce qu’on croit souvent connaître Wes Anderson, mais qu’il mérite d’être regardé à nouveau. Sérieusement, tendrement, curieusement.

C’est aussi une manière de tester une autre formule. Un format plus concentré, plus immersif, qui vous propose de plonger à fond dans un univers, comme on plonge dans une maison de poupée. Et si cette édition vous plaît, on remet ça. Un auteur, une autrice, une œuvre : une édition.

Hors-champ Anderson

© Roger Do Minh

La vie sourit aux audacieux. C’est certainement le mantra de Roger Do Minh, photographe originaire de Toulouse, aujourd’hui fidèle compagnon de route de Wes Anderson qui expose ses clichés à la Galerie Paris Cinéma Club (jusqu’au 26 juillet). Sa première rencontre avec le cinéaste date de 2007 sur un de ses court-métrages, Hotel Chevalier, où il était assistant électricien. “J’ai alors noté le mail de contact de Wes Anderson, inscrit sur la feuille de service qu’on distribue à l’équipe, explique Roger Do Minh. Et plusieurs années plus tard quand j’ai appris qu’il allait tourner à Angoulême The French Dispatch, je lui ai proposé mes services. A ma grande surprise, il m’a répondu!” Ce que le modeste photographe oublie de dire c’est qu’en 2018, il avait déjà une belle expérience à son actif dans des comédies et des polars français (Complices avec Emmanuelle Devos, R.I.F. avec Yvan Attal et Pascal Elbé, Une Rencontre avec Sophie Marceau et François Cluzet, L’Affaire SK1 avec Olivier Gourmet et Raphaël Personnaz).

L’exposition « Le Bord Cadre du Hors-Champ » parcourt leurs trois collaborations (The French Dispatch, Asteroid City, Phoenician Scheme) et nous ouvre les portes d’un Wes Anderson off, capturé entre deux prises, entre deux regards. On y découvre des instants suspendus, des acteurs en pause, des décors en attente, des détails que l’œil de la caméra laisse de côté mais que celui du photographe embrasse avec tendresse. On devine l’action de l’autre côté de l’objectif de la caméra. C’est du cinéma en creux, mais vibrant. Roger Do Minh capte le souffle discret de la création. Une occasion rare de voir l’univers andersonien débordé de son cadre, sans perdre une once de sa magie. Et de rendre hommage au travail du photographe de plateau, celui qui fige ce que le film laissera filer. La mémoire sensible du tournage.

28 Rue Mazarine, Paris 6e. Jusqu’au 26 juillet
Entrée libre — mardi à vendredi (11h-18h) / samedi (14h-18h)

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Tic-tac : l’univers ferme bientôt ses portes

©Stéphane Dabrowski – La Cinémathèque française

Plus que quelques jours pour explorer l’univers millimétré et féérique de Wes Anderson à la Cinémathèque française — l’exposition ferme ses portes le 27 juillet ! C’est votre dernière chance d’explorer la tête (follement rangée) de Wes Anderson.

À travers plus de 500 pièces rares – costumes emblématiques (Moonrise Kingdom, The Grand Budapest Hotel…), maquettes minutieuses (Fantastic Mr. Fox, Darjeeling Limited), storyboards, carnets griffonnés par Anderson lui-même – vous découvrirez le travail obsessionnel d’un créateur qui réinvente des mondes entiers à mesure qu’il les filme.

Au détour d’un arrêt sur image, vous comprendrez comment sa fidélité à la pellicule et son exigence formelle – symétrie, découpage, palette chromatique – façonnent des cadres à la fois fantaisistes et profondément humains. C’est un road-trip sensoriel à travers les matériaux, les sons, les objets – un voyage immersif dans la fabrication d’un univers désormais mythique.

Et le 26 juillet, sera projeté le dernier film de sa rétrospective, The French Dispatch. Pensez au billet couplé film + expo! Pour ceux qui cherchent la parole (rare) du maître, n’hésitez pas à découvrir (en ligne) la leçon de cinéma donnée par Wes Anderson animée par le commissaire de l’exposition, Matthieu Orléan. Si vous êtes passionné de cinéma, de design ou tout simplement de belles choses, courrez-y sans attendre : la magie andersonienne s’éclipse bientôt des murs de la Cinémathèque.

51 rue de Bercy, Paris 12e
Jusqu’au 27 juillet (fermeture le mardi) : lundi, mercredi-vendredi 12h-19h (11h-20h le week-end et jours fériés)
Tarifs de 14 € (plein) à 7 €, réservation en ligne obligatoire

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Le guide ultime des mondes de Wes

3 questions à Christophe Narbonne auteur de Wes Anderson, la totale (Éditions E/P/A). Journaliste cinéma depuis 30 ans (ex-pilier de Première), il a décortiqué l’oeuvre du cinéaste dans un ouvrage qui est un parfait complément à l’exposition.

En quoi cette monographie est différente des autres?

Le but premier de ce livre, comme de toute la collection “la totale” sur les grands réalisateurs, est de présenter et d’expliquer de manière exhaustive toute la filmographie de Wes Anderson: les 11 long-métrages, les 7 courts et les publicités. Il y a, en outre, une dizaine de témoignages inédits de ses proches collaborateurs: le directeur de la photographie Robert Yeoman, la cheffe graphiste Erica Dorn, le responsable des miniatures Simon Weisse, le compositeur Alexandre Desplat. Wes Anderson n’a pas participé au livre, mais je sais qu’il l’a relu!

On parle peu de ses pubs d’habitude…

Oui, alors que ce sont de véritables bijoux de comédie. Celle pour H&M avec Adrien Brody est très drôle. Castello Cavalcanti se situe entre le court et la pub – on y aperçoit que furtivement le nom Prada dans le dos du personnage principal interprété par Jason Schwartzmann. C’est un joli clin d’oeil au cinéma de Fellini. Avec Brad Pitt, Wes Anderson rend hommage à Jacques Tati. Cela lui permet aussi de travailler avec des comédiens pour la première fois; c’est ainsi qu’il a d’abord dirigé Léa Seydoux dans une pub pour un parfum avant de l’engager pour The French Dispatch.

Quelle a été votre démarche pour la très riche iconographie du livre?

On voulait des photos qu’on voit nulle part ailleurs. Robert Yeoman nous a fourni beaucoup de clichés inédits. Tout comme Roger Do Minh, le photographe de plateau des derniers Wes Anderson. Pour les premières années, nous avons bénéficié du travail de Laura Wilson, une photographe renommée, qui n’est autre que la mère du comédien Owen Wilson.

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Été, transats & pastels : le boom des cinémas en plein air

Chaque été, c’est le même rituel : à la nuit tombée, les parcs, les toits, les cours de musée se transforment en salles obscures à ciel ouvert. Le cinéma en plein air, c’est un moment pop-corn & chill, un rendez-vous culturel aussi cool qu’un apéro entre potes.

Mais cet été, une tendance se dégage plus que jamais dans les programmations : Wes Anderson sur grand écran… et sous les étoiles.

Pourquoi lui ? Parce que personne ne filme l’été comme Wes Anderson. Avec ses couleurs pastel, ses uniformes scouts, ses couchers de soleil millimétrés et ses personnages perdus en quête de sens, ses films sont taillés pour la douceur de juillet-août. En plein air, ils prennent une nouvelle dimension : plus vibrants, plus vivants, plus poétiques encore.

Dates à noter dans votre agenda andersonien :
15 juillet : The Grand Budapest Hotel à la Seine musicale (Cinéclub Paradiso),
     et Fantastic Mr. Fox au jardin des Nouzeaux, à Malakoff
1er août : Moonrise Kingdom sur la place Abbatucci à Huningue.
29 août : Moonrise Kingdom au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère à Grenoble ainsi qu’au Stade Jules Noël à Paris (14e)

Alors, plaid ou transat, citronnade ou rosé, peu importe : cet été, faites vos valises sans quitter votre ville.


Phoenician Fever

Wes Anderson rassemble un casting prestigieux – Benicio del Toro, Mia Threapleton, Tom Hanks, Scarlett Johansson, Michael Cera… – autour d’une intrigue mêlant pouvoir, héritage et rédemption : un père richissime tente de reconnecter avec sa fille nonne via un projet mégalo nommé « Phoenician Scheme ». Évidemment, rien ne se passe comme prévu, et c’est dans cette tension entre folie des grandeurs, trauma familial et esthétique millimétrée que le film déploie toute sa richesse.

Visuellement, c’est un feu d’artifice de détails : miniatures, décors en carton-pâte, compositions symétriques et palette pastel — Wes Anderson pousse son style à l’extrême, jusqu’à frôler l’abstraction. Certains y verront une œuvre un peu trop refermée sur elle-même, d’autres un manifeste visuel brillant, quelque part entre le théâtre miniature et la satire géopolitique.

Le film divise, c’est vrai. Mais c’est aussi ce qui le rend passionnant. The Phoenician Scheme ne cherche plus à plaire à tout le monde : il creuse le sillon d’un cinéma d’auteur affirmé, intransigeant, où l’émotion se niche dans les interstices d’un cadre trop parfait. On rit, on s’étonne, on se perd un peu — et parfois, on est ému malgré soi.

À voir en salles, absolument. Parce que Wes Anderson, c’est encore plus saisissant sur grand écran. Parce que chaque plan est une œuvre d’art. Et parce qu’en cet été cinéphile, il serait dommage de passer à côté d’un film aussi singulier.The Phoenician Scheme est actuellement à l’affiche dans de nombreuses salles d’art et d’essai à travers la France, comme, par exemple:


Et si le monde entier était un décor de Wes Anderson ?

C’est exactement ce que pense Wally Koval, le créateur du compte Instagram Accidentally Wes Anderson (AWA). Tout est parti d’un simple post : un hôtel à l’allure rétro, une symétrie parfaite, des couleurs pastel… et une légende du style andersonien apparue là, par hasard. Depuis, près de deux millions d’abonnés suivent cette grande chasse au trésor visuelle à travers le monde.

Accidentaly Wes Anderson Adventures de Willy et Amanda Koval. Ed. E/P/A

Le principe est simple : repérer dans la vraie vie des lieux, objets ou scènes qui semblent tout droit sortis d’un film de Wes Anderson — sans trucage, sans mise en scène, juste la beauté étrange de la réalité. Des phares islandais aux sanatoriums suisses, des guichets de train vintage aux motels désuets du Midwest, chaque photo a ce petit quelque chose d’improbable, d’élégant, de mélancolique.

Le phénomène a même séduit le maître lui-même. Wes Anderson a donné sa bénédiction au projet, qui a depuis été décliné en livres, expos et collaborations artistiques. Prochain événement : le 13 août à Boston. Sur le site, on peut même organiser son trajet parmi les presque 2000 lieux répertoriés. Et envoyer ses propres clichés (ils en reçoivent plus de 1000 par mois!)

Ce que prouve AWA, c’est que le style Anderson ne se limite pas à ses films : il a infusé notre regard sur le monde. La communauté AWA traque désormais les façades rose bonbon, les uniformes vintage, les intérieurs démodés avec la même excitation qu’un plan-séquence au cinéma. Une preuve de plus que le cinéma façonne notre manière de voir la réalité — même (et surtout) quand il s’agit de fantaisie.

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