Un monde englouti

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L’affiche de cinéma : mémoire visuelle d’un art vivant

Bien avant la bande-annonce ou la viralité d’un teaser, l’affiche est la première image du film. Non pas un résumé, mais une promesse. Une image fixe, mais déjà en mouvement dans l’imaginaire. Une invitation au rêve. Véritable carrefour entre publicité et art graphique, l’affiche de cinéma ne se contente pas d’annoncer : elle incarne. Elle imprime durablement une émotion, une époque, une silhouette — parfois au point de devenir plus célèbre que le film lui-même. Pensons au couple de Pierrot le Fou, ou à l’œil de Orange Mécanique : ces images font partie de notre mémoire collective autant que les films qu’elles représentent. Kubrick disait d’ailleurs: “l’art de l’affiche est de réduire en une image ce que le metteur en scène a réalisé en 350000 images”.

Jusque dans les années 1980, l’affiche était un artisanat à part entière. Dessinateurs, typographes, coloristes composaient à la main ces œuvres hybrides, entre peinture et graphisme, avec une attention portée aux textures, aux aplats, aux regards. Le métier d’affichiste existait à part entière — une profession aujourd’hui quasi disparue, engloutie par la standardisation numérique et les campagnes internationales préformatées.

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Dans ce glissement de l’artisanat vers le marketing globalisé, quelque chose s’est perdu : une forme de singularité, de poésie. Mais aussi un certain rapport au spectateur, qu’on laissait autrefois imaginer à partir d’un simple visuel, plutôt que de tout lui dévoiler.

Redonner sa place à l’affiche, c’est peut-être aussi revendiquer un autre rapport au cinéma : plus lent, plus suggestif, plus sensuel. Un rapport qui laisse la place au mystère — et donc, à l’envie. Aujourd’hui, certaines expositions lui redonnent toute sa place. Intervistar a choisi de mettre en lumière deux d’entre elles :

📍 à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé

L’Ecrin du Radjah (Gaston Velle), affiche Cândido de Faria, 1906 © Collection Fondation Pathé

Depuis le 11 avril, la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé propose une plongée captivante dans les débuts de cet art graphique avec l’exposition Faire impression. Quand l’affiche de cinéma s’invente. Un regard inédit sur le cinéma muet et ses imaginaires visuels.

Des premières images du Cinématographe Lumière aux compositions colorées de l’avant-garde des années 1920, ce parcours retrace l’histoire d’un médium à la croisée de l’art pictural et de la réclame. Les premières affiches pour le cinéma vantent l’expérience spectateur telle celle pour le cinématographe Lumière où figure le public.

C’est aussi l’histoire d’un artisanat en pleine effervescence où l’affiche promet l’exotisme, le rire, le vertige ou les toits de Paris. Parmi ces magiciens de l’affiche mis en avant, Cândido de Faria et Bernard Lancy. Deux regards, deux époques, une même puissance visuelle. Cândido Aragonez de Faria est un illustrateur brésilien installé à Paris à la fin du XIXe siècle. Son style, hérité du théâtre populaire et du cirque, donne à voir un cinéma encore balbutiant mais déjà épique — un art de foire en train de devenir art total. Il faut frapper l’œil, séduire le badaud, l’inviter à entrer. Ses compositions regorgent de détails spectaculaires: explosions, foules, costumes historiques. Dans les années 1920, Bernard Lancy incarne une voie élégante, narrative et accessible de l’affiche de cinéma. On lui doit notamment celle de La Grande Illusion. Ses compositions se distinguent par une grande maîtrise du dessin, un sens aigu du portrait stylisé et une attention portée à l’atmosphère : arrière-plans brumeux, silhouettes mystérieuses, visages expressifs — autant d’éléments qui suggèrent le ton du film plus qu’ils ne le racontent.
Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, 73 avenue des Gobelins, Paris 13e. Jusqu’au 27 septembre 2025 (hors fermeture estivale)

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📍 à la Galerie Gallimard

500 films sont issus de la collection Série Noire

Dialogue tendu, lumière rasante et ambiance nocturne : la Série Noire n’a pas seulement marqué la littérature française, elle a aussi façonné tout un pan du cinéma. À l’occasion des 80 ans de la mythique collection « Série Noire », la Galerie Gallimard à Paris propose un véritable voyage dans un imaginaire où les héros fument trop, parlent peu, et marchent dans la nuit. Du Grand sommeil à Classe tous risques, de Jean-Pierre Melville à François Truffaut, en passant par les dialogues ciselés d’Audiard, l’exposition revient sur des films devenus cultes et les romans noirs qui les ont inspirés. On peut y admirer l’affiche des Tontons flingueurs signée Jean-Etienne Siry ou celle du Deuxième souffle du grand affichiste René Ferracci. Manuscrits, extraits, éditions originales, courriers complètent cette rétrospective dont l’entrée est libre.

Galerie Gallimard. 30-32 rue de l’Université. Paris 7e. Jusqu’au 13 mai 2025.

📍 à la Brocante du Brady

Collectionneur ou simple fan, vous trouverez l’affiche de vos rêves à la brocante de printemps du Brady (Paris 10e). Le samedi 26 avril 2025, de 12h à 15h, rendez-vous dans la grande salle pour regarder des bandes annonces, discuter, et surtout, chiner votre nouvelle décoration. Repartez avec une affiche d’Emilia Perez, Daaaaaali ! ou encore The substance et d’autres films récents en grand format (120×160) au prix de 10€. Les affiches sont aussi pré-commandables à cette adresse mail : brocante@lebrady.fr et à retirer sur place le jour J. D’autres objets seront en vente (matériel de cinéma ancien, luminaires, bobines, projecteurs, DVD) n’hésitez pas à y faire un tour !

📍 en boutiques spécialisées

La boutique Affiche Ciné dans le 18ème arrondissement

Objet de fantasme ou fétiche, l’affiche s’achète et se chine. Nous avons sélectionné pour vous quelques boutiques où dénicher des trésors :

  • L’Antre du cinéma, située dans le centre ville de Nantes, propose des affiches originales de cinéma et du festival de Cannes.

  • Tiberius Kay, dans le 15e à Paris, met en avant des pièces de collection comme l’affiche de Fight Club ou celle du premier Beetlejuice. Vente en ligne.

  • Affiche ciné est dirigée par Benoît Carpentier, collectionneur qui sélectionne ses affiches avec le plus grand soin, et les vend à des prix très attractifs en boutique ( Paris 18e) et sur le site.

  • Mauvais genres est spécialisée dans les documents rares, notamment dans le cinéma de genre. Vente dans leur boutique à Villeneuve-les-Avignon et en ligne.

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    Phnom Penh, 17 avril 1975 : 50 ans après, l’image pour mémoire

S21, la machine de mort khmère rouge de Rithy Panh ©Ad Vitam Distribution

Il y a 50 ans, les Khmers rouges entraient dans Phnom Penh entraînant la mort de près de deux millions de personnes. Pour mieux faire connaitre cet événement, le Forum des Images questionne la trace laissée par le génocide cambodgien. Ce cycle de 40 films, accompagnés de débats et de cours de cinéma, est parrainé par Rithy Panh, cinéaste qui a révélé au monde la machine de mort khmère rouge et s’est interrogé sur son absence d’images. Parmi les temps forts de ce mois cambodgien, on retiendra une analyse en profondeur des films des témoins, la présence de Davy Chou et Kavich Neang, incarnations des cinéastes post-mémoire, une conférence Jenny Teng (réalisatrice des Tours d’exil) sur la diaspora cambodgienne, et une réflexion sur les rares images de propagande. Ne manquez pas les interventions des chercheurs Pierre Boyard et Soko Phay, initiateurs de ce programme ambitieux. Une occasion également d’aller au Forum des Images dont la programmation cinéma exigeante est menacée. Plus de détails ici. C’est jusqu’au 4 mai 2025.

Regardez notre vidéo sur la soirée d’ouverture sur notre chaine tik tok. Et dites nous en commentaire quel film de ce cycle vous êtes allés voir.

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Notre coup de coeur : La chambre de Mariana

Exceptionnelle Mélanie Thierry dans La chambre de Mariana ©Cinefrance-Studios-Curiosa-Films-Metro-Communications-United-King-Films-Proton-Cinema-Tarantula-Arte-France-Cinema-2024

Avec La Chambre de Mariana, Emmanuel Finkiel livre un huis clos bouleversant, à hauteur d’enfant, sur fond d’Occupation. Adapté du roman d’Aharon Appelfeld, le film met en scène un garçon juif de 12 ans caché dans la chambre d’une prostituée pendant la Seconde Guerre mondiale en Ukraine. Tout passe par les silences, les non-dits, les regards — et la cloison du placard qui sépare l’enfance du chaos. En salles ce mercredi.

Pourquoi y aller ?

– Pour la mise en scène d’une rare pudeur, où le hors-champ devient territoire de l’imaginaire et de la peur. La photographie soignée d’Alexis Kavyrchine accentue l’atmosphère claustrophobe et introspective du récit.
– Pour Mélanie Thierry, magistrale en femme libre, ambivalente, bouleversante. Parfois bête traquée, parfois louve agressive, elle tient le film du début à la fin. Et en plus, elle joue en ukrainien.
– Pour le regard singulier du réalisateur Emmanuel Finkiel, cinéaste de la mémoire (Voyages, La Douleur) qui poursuit ici son exploration de la Shoah.

Vous pourrez rencontrer l’équipe du film lors de projections du film le lundi 21 avril à 20h au Méliès (Montreuil), le mardi 22 avril à 19h au Saint Germain des Près et à 20h15 à l’UGC Ciné Cité Les Halles, le dimanche 27 avril à 11h au Majectic Passy autour d’un brunch participatif.

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Gainsbourg à l’écran, en immersion rue de Verneuil

Un cocktail à la main, quelques notes de piano flottent dans la pénombre du Gainsbarre. On s’installe, les lumières baissent, le générique commence. Ici, au cœur de la Maison Gainsbourg, le cinéma se vit comme une extension de l’univers de Serge : intime, feutré, un peu décalé.

Loin des salles obscures classiques, ces projections prennent des allures de veillée artistique. On traverse d’abord les pièces du musée avant de s’installer dans le café-piano-bar attenant pour découvrir ou redécouvrir un film auquel Gainsbourg a prêté son regard, sa voix, sa musique.

Ce cycle, lancé à l’occasion du 97e anniversaire de l’artiste, est une invitation à explorer l’homme derrière le mythe, par l’image et le son. Une expérience sensible, à mi-chemin entre la cinéphilie et la mémoire vivante.

Deux films rares sont proposés ce mois-ci:

  • Anna (1967), comédie musicale pop signée Pierre Koralnik le 21 avril en présence du réalisateur. Une comédie musicale avant-gardiste de 1967, incarnée par Anna Karina, Jean-Claude Brialy et Serge Gainsbourg qui l’a également mise en musique et en chansons. Une romance décalée très peu diffusée sur grand écran. La projection sera introduite par Pierre Koralnik, le 21 avril.

  • À bout portant (1973), documentaire-confession tourné chez lui le 28 avril. Un documentaire-confession qui nous transporte un jour de printemps 1973 chez Serge Gainsbourg au 5 bis rue de Verneuil à Paris. La projection sera introduite par Sébastien Merlet (commissaire scientifique de la Maison Gainsbourg) et Pauline Baduel (journaliste madelen, la plateforme de streaming de l’INA).


Spoiler: ce lieu a déjà été filmé

La ciné-balade, ou comment revivre le cinéma, ici avec la guide Juliette Dubois

Les ciné-balades ont le vent en poupe. À Paris, Marseille, Lyon ou ailleurs, on redécouvre la ville à travers l’œil des films qui y ont été tournés.

Pourquoi cette tendance cartonne ?
Parce qu’on a envie de concret. De vivre les films autrement, loin des écrans. Ces balades rejouent la mémoire collective dans l’espace urbain, entre anecdotes de tournage, patrimoine caché et madeleines cinéphiles.
Elles sont aussi pédagogiques, conviviales, et parfaites à partager sur les réseaux (selfie sur les lieux de Amélie Poulain, qui dit mieux ?). Intervistar vous indique celles qu’il ne faut pas manquer.

  • Depuis 2011, l’historienne du cinéma Juliette Dubois propose des balades thématiques parisiennes. Munie de sa tablette, elle mêle l’histoire du cinéma et celle de la ville. Visitez Montparnasse, le quartier emblématique d’Agnès Varda et sa rue Daguerre avec la guide les vendredis 2 et 16 mai à 14h pour une durée de 2h15.

  • Dominant les Buttes Chaumont, c’est à Belleville que sont nés les premiers studios de cinéma français. Donatien Schramm, habitant du quartier et cinéphile averti vous fait vivre Belleville sur les traces des plus grands réalisateurs. Le jeudi 8 mai à 14h, inscription ici.

  • Montmartre est un véritable décor de cinéma, la cachette de Paris vous embarque dans le récit incontournable du tournage du Fabuleux destin d’Amélie Poulain pour une visite du quartier le 25 juillet 2025 à 14h30.

Initiative à saluer: Filmsdelover a édité des cartes des lieux de tournage de films romantiques cultes comme Eternal sunshine of the spotless mind ou bien Before sunset. Les cartes sont téléchargeables gratuitement sur leur site. A emporter dans sa valise en urgence.

Merci d’avoir lu Intervistar. N’hésitez pas à partager vos suggestions en commentaire.

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